Arrow
Breakdown
9.9.25

CPPA en Europe : vers un marché structuré ou fragmenté ?

Benoît Gronier

CPPA en Europe : vers un marché structuré ou fragmenté ?

Le marché européen des Contrats d’Achat Direct d’Électricité (CPPA) connaît une croissance impressionnante : près de 19 GW signés en 2024, soit un record, avec plus de 80 % conclus par des entreprises. Ces contrats offrent une double promesse : stabiliser le prix de l’électricité dans un contexte de forte volatilité, et contribuer directement au financement de nouvelles capacités renouvelables. Mais derrière l’enthousiasme, des questions demeurent : les CPPA sont-ils réellement l’outil structurant qu’on attend, et quel avenir dessinent-ils pour l’équilibre énergétique européen ?

Un CPPA, pour Corporate Power Purchase Agreement, est un accord de long terme entre un producteur d’électricité renouvelable et un consommateur industriel ou tertiaire. Contrairement aux Utility PPA, passés avec des fournisseurs d’énergie, les CPPAs sont directement conclus par des entreprises désireuses de sécuriser leurs coûts énergétiques et de verdir leur mix. L’acheteur bénéficie d’un prix stable, le producteur de revenus garantis, et la transition énergétique d’un soutien au déploiement de nouveaux projets. Trois modèles dominent aujourd’hui, chacun avec ses logiques propres.

- Le PPA physique repose sur une livraison réelle d’électricité entre le producteur et le consommateur. Il offre une traçabilité claire et renforce la crédibilité de la démarche climat, mais suppose que les deux parties soient raccordées à la même zone de réseau. Sa gestion est complexe, car l’intermittence de la production doit être compensée, et il reste surtout accessible aux gros industriels.

- Le PPA virtuel (ou VPPA) adopte une logique financière : l’entreprise s’engage sur un prix de référence et compense les écarts avec le marché, tout en recevant les garanties d’origine. Il offre une grande flexibilité géographique et s’adapte à des portefeuilles diversifiés, mais expose directement aux aléas des marchés de gros. Ce modèle séduit les multinationales capables d’absorber ce risque, moins les acteurs de taille intermédiaire.

- Le PPA sleeved constitue une formule intermédiaire. Le contrat est signé directement entre le producteur et l’entreprise consommatrice, mais un fournisseur d’énergie joue le rôle d’intermédiaire pour gérer la livraison, l’équilibrage et la facturation. Cette intermédiation simplifie la gestion pour l’acheteur et permet de conserver la traçabilité et le lien contractuel avec le producteur, contrairement à un Utility PPA, où l’entreprise n’a pas de relation directe avec la centrale. Le sleeved PPA engendre toutefois un surcoût et une dépendance contractuelle plus forte.

Si ces trois modèles traduisent une maturité croissante du marché, leur coexistence alimente aussi une fragmentation qui peut brouiller la lisibilité pour les acteurs novices. Et les chiffres récents rappellent que la trajectoire n’est pas linéaire : au premier semestre 2025, les CPPA ont reculé de 26 % en volume et de 31 % en nombre par rapport à 2024. Seul le solaire a progressé, avec 4,2 GW signés, porté par l’Italie (+184 %) et l’Espagne (+51 %), tandis que l’Allemagne (-88%) et la France (-57%) marquaient le pas.

Une image contenant texte, capture d’écran, Police, nombreDescription générée automatiquement
Une image contenant texte, carteDescription générée automatiquement
Source : Pexapark (Chiffres de Mai 2025)
Source : Energie partagée

Trois enjeux apparaissent alors. Le premier concerne l’accessibilité : seuls les grands groupes solvables bénéficient de ces dispositifs, tandis que les PME peinent à franchir le pas, malgré un mécanisme de 500 millions d’euros de contre-garantie lancé par la BEI en 2025. Le deuxième est lié à la volatilité persistante : les CPPA protègent partiellement, mais ne suppriment pas le risque. Enfin, l’articulation avec les politiques publiques reste floue : les Contracts for Difference  (CfD), qui stabilisent, eux aussi, les revenus des producteurs, pourraient concurrencer ces initiatives privées.

L’avenir des CPPA dépendra donc de leur capacité à s’ouvrir et à innover. Une piste émergente est celle des “contrats 24/7”, qui ne garantissent plus seulement un volume annuel, mais une équivalence horaire entre consommation et production renouvelable. Pour y parvenir, ils s’appuient sur le stockage par batteries et, demain, sur l’hydrogène vert, capables de compenser l’intermittence. Cette nouvelle génération de contrats pourrait transformer les CPPA en véritable standard énergétique des industries bas-carbone, à condition de dépasser leurs barrières actuelles et de ne pas rester réservés aux multinationales les mieux armées.

Download