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La chaleur fatale est l’énergie thermique produite par un procédé dont elle n’est pas la finalité et qui n’est donc pas récupérée ou valorisée. Les data centers constituent une source de chaleur fatale : en fonction des systèmes de refroidissement utilisés, la chaleur dissipée par les serveurs et équipements informatiques est évacuée sous forme d’air chaud ou de liquide chaud dans des boucles de refroidissement. Cette chaleur peut être récupérée grâce à un échangeur de chaleur qui prélève les calories pour les transférer vers un autre fluide caloporteur. La chaleur des data centers peut ainsi être valorisée en étant injectée dans un réseau de chaleur urbain pour chauffer les collectivités, ou en étant transférée à un consommateur direct.
En France, d’après l’ADEME, le potentiel de chaleur fatale récupérable via les data centers était de 1 TWh en 2020, équivalent au besoin en chauffage de près de 100 000 logements. En 2030, compte tenu de l’augmentation du nombre de data centers et de leur puissance, ce chiffre pourrait passer à 3,5 TWh. Le projet de PPE 3 ambitionne par ailleurs de valoriser 25 à 29 TWh de chaleur fatale dans les réseaux de chaleur d’ici 2035. La directive européenne sur l’efficacité énergétique impose également, à partir d’octobre 2025, l’obligation de récupération de chaleur pour les data centers d'une puissance nominale de 1 MW ou plus, sauf si non viable économiquement ou techniquement. Cette obligation n’est en réalité que peu contraignante pour les data centers. Au-delà de l’obligation, d’autres pays européens comme la Finlande ou le Danemark mettent en place des politiques de soutien pour inciter les data centers à valoriser leur chaleur fatale.
La plage de température de la chaleur récupérée dépend du système de refroidissement mis en place dans le data center. Les systèmes de refroidissement rejetant de l’air chaud renvoient une chaleur fatale difficilement valorisable car nécessitant un échangeur air/eau supplémentaire. Les systèmes de refroidissement fournissant la plus haute plage de température en sortie sont les systèmes de refroidissement direct tels que le direct to chip liquid cooling ou immersion cooling (voir le décryptage de Zenon à ce sujet). La température moyenne récupérable en sortie de data center se situe autour de 25-45 °C, or la température des réseaux de chaleur urbains se situe davantage autour de 70-95°C. Il est donc nécessaire de rehausser la température de chaleur en sortie des data centers à l’aide d’une pompe à chaleur. Des projets de recherche existent pour rehausser la température grâce à des panneaux solaires thermiques afin d’éviter une consommation supplémentaire d’électricité.

Figure : Schéma simplifié de récupération de chaleur fatale issue d’un data center (ADEME)
La récupération de chaleur fatale des data centers est confrontée à des défis techniques et économiques :
- Transport de chaleur : Les data centers se situent généralement en dehors des collectivités, or la chaleur de ces infrastructures ne peut être valorisée que si des consommateurs ou un réseau de chaleur existant se trouvent à proximité. Ceci implique de planifier l’implantation du data center en amont et en synergie avec les collectivités et acteurs locaux.
- Variabilité de l’offre et de la demande : La production de chaleur par les data centers est constante, or la demande de chauffage est saisonnière.
- Viabilité économique du modèle : Les investissements dans les équipements pour la valorisation de la chaleur fatale des data centers (échangeur de chaleur, système de relève de température, créations de locaux, réseaux de distribution de chaleur, sous-station d’échange) sont élevés et constituent une difficulté importante. En France, le Fonds chaleur de l’ADEME permet de soutenir de tels projets.
Le succès de la récupération de chaleur fatale d’un data center réside dans la collaboration et planification stratégique entre : opérateurs de réseau de chaleur, opérateur de data center et collectivité. De nombreux pays européens expérimentent déjà la récupération de chaleur fatale des data centers, comme en Suède où le projet Stockholm Data Parks, lancé en 2017 à l’initiative de la ville, réunit plus d’une trentaine de data centers et a pour objectif de fournir 10 % du besoin en chauffage de la ville d’ici 2035. Des projets existent également ailleurs comme en Finlande, ou en France, ainsi qu’au Canada.

