[Interview] Cédric Philibert à l’occasion de la publication de son nouveau livre : “Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat”, Institut Veblen, Collection Les Petits matins, mars 2024.

L’Union Européenne a décidé d’interdire la vente des voitures thermiques neuves en 2035, néanmoins, leurs homologues électriques ne sont pas à l’abri de critiques variées. Cédric Philibert, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales, fort de 20 ans d’expérience à l’Agence internationale de l’énergie, revient donc sur ces questions dans son dernier ouvrage Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat ainsi qu’avec nous lors d’un entretien que nous vous partageons. En voici un premier extrait : 

‍Quels sont, pour vous, les vrais ennemis de la voiture électrique ? En France, dans l’Union européenne, qui est vraiment contre ?

Il faut distinguer plusieurs choses. Dans l'opinion publique, il y a beaucoup de gens qui spontanément sont contre, ils disent “Ah bah non, pas pour moi” et qui répètent les mensonges qui ont été proférés par d'autres : “mais c'est très mauvais pour le climat”, “c'est très mauvais pour l'environnement”, “ça bouffe plein de métaux”, ou encore “c'est un truc pour nous vendre plus de voitures”.

Évidemment, l'idée c'est de remplacer les voitures thermiques au fur et à mesure qu'elles arrivent en fin de vie. On accélère éventuellement, mais de très peu, cette tendance avec les primes à la casse pour sortir du marché les voitures les plus anciennes et les plus polluantes. En moyenne, les voitures ont une durée de vie de 19 ans. Vers 2044, le parc actuel aura été renouvelé.
Bon, voilà donc, on entend vraiment des choses idiotes, pas du tout réfléchies, qui sont encouragées par des officines qui produisent des mensonges à la chaîne, que l’on trouve notamment aux États-Unis et qui sont financées par le lobby du pétrole.
Et cela dure depuis longtemps ! Je raconte dans ce livre l’astroturfing et comment les pétroliers ont réussi à convaincre les constructeurs automobiles à renoncer à leur velléité de fabriquer des véhicules électriques. General Motors a même “scrappé” 1000 voitures électriques qui étaient très en avance sur leur temps, Ces lobbys ont suscité des mouvements de citoyens, des pseudos mouvements de pseudo citoyens pour lutter contre la voiture électrique. Notamment dans les années 90, en Californie, où il y avait des mandats de véhicules zéro-émission. Les lobbys pétroliers ont combattu ça de toutes leurs forces. Avec de faux mouvements de citoyens qui protestaient contre le fait que leurs impôts allaient servir à payer des bornes par exemple. C'était un des thèmes d'attaque, Et, depuis, cela continue sur ce même style. La tragédie de notre temps, c'est que de vrais mouvements de vrais citoyens reprennent ces bobards sans réfléchir. C'est pour ça que je m'adresse quand même beaucoup à eux en disant, “ne vous faites pas avoir, vous êtes en train de vous faire avoir, comme sur l'éolien”.