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Lancée en 2015, l’initiative Science Based Targets (SBTi) fournit aux entreprises un cadre pour fixer des objectifs de réduction d’émissions alignés sur les exigences climatiques. Son ambition est de maintenir le réchauffement mondial sous les seuils définis par l’Accord de Paris (±1,5°C) et d’atteindre le net zéro d’ici 2050, ce qui implique une baisse des émissions mondiales d’environ 5 % par an. Elle s'est imposée comme référence mondiale avec plus de 10 700 entreprises engagées en 2024, dont environ 8 000 avec des objectifs validés.
Les méthodes du SBTi ont évolué : depuis 2022, les objectifs de court terme pour les entreprises doivent obligatoirement viser 1,5°C. De plus, des standards sectoriels ont vu le jour (énergie, acier, ciment, transport, etc.) et une norme Net Zero a été introduite, ainsi qu’un volet spécifique aux émissions forestières et agricoles (FLAG). L’enjeu majeur reste toutefois le Scope 3 (jusqu’à 75 % de l’empreinte carbone d’une entreprise), mais la SBTi envisage de permettre l’utilisation limitée de crédits carbone pour atteindre les cibles. Cette orientation – qui doit encore passer par une consultation publique et une validation formelle – suscite des critiques et la crainte d’un greenwashing des entreprises car elle permet aux entreprises de compenser leurs émissions indirectes plutôt que de les réduire effectivement.
L’adhésion des entreprises à la SBTi s’est accélérée de façon exponentielle ces dernières années. Fin 2023, on comptait 4 204 entreprises ayant fait valider leurs objectifs scientifiques de réduction, soit +102 % en un an (2 080 fin 2022). Cette dynamique s’est poursuivie en 2024 : à ce jour, la SBTi recense plus de 10 700 entreprises engagées, dont environ 8 000 disposent d’objectifs validés. Ce chiffre inclut des centaines de PME, facilitées par un processus adapté et la majorité des grands groupes internationaux. Environ 2 900 entreprises supplémentaires sont officiellement en cours d’élaboration de leurs cibles (engagées à les définir sous 24 mois).

Du point de vue sectoriel, tous les domaines sont désormais représentés. Les entreprises de services et l’industrie manufacturière sont particulièrement nombreuses parmi les membres SBTi, cumulant près de 60 % des entreprises ayant fixé des cibles en 2023. De différents acteurs ont rapidement adopté l’initiative (L’Oréal, Unilever, Microsoft), rejoints progressivement par des industries lourdes (Holcim, ArcelorMittal, etc.). Certaines filières très émettrices restent toutefois en retrait : par exemple, les majors O&G sont quasi absentes du SBTi à ce jour, en raison d’un manque de méthodologie adaptée et de doutes sur la compatibilité de leur modèle d’affaires actuel.
Géographiquement, les entreprises engagées viennent de 76 pays, avec une forte présence du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis. L’Europe occidentale, l’Amérique du Nord et l’Asie sont très représentées; les marchés émergents montent en puissance.
En principe, les objectifs validés par la SBTi offrent une feuille de route chiffrée indiquant combien et à quelle vitesse réduire les émissions. Cette approche volontaire a indéniablement rehaussé l’ambition climatique du secteur privé : en 2020, les entreprises engagées ont collectivement réduit leurs émissions directes (Scopes 1 et 2) de 12 %, contre une tendance mondiale à la stagnation voire une légère hausse des émissions. Par ailleurs, environ 39 % de l’économie mondiale (en capitalisation boursière) est désormais couverte par des cibles validées ou en cours d’adoption via SBTi, ce qui laisse espérer un impact macroéconomique non négligeable.
Cependant, fixer un objectif ne garantit pas sa réalisation. Sur 56 grandes entreprises dont l’objectif SBTi arrivait à échéance en 2025 ou avant, seulement 18 (environ 30 %) avaient atteint plus de 70 % de la réduction visée, d’après le Monitoring Report 2022. Ce constat suggère que les entreprises peinent à transformer l’essai en actions concrètes et suffisantes. Sans remise en question de certains modèles d’affaires très émetteurs, les progrès risquent de n’être que marginaux. Parmi les grands émetteurs, seulement 2 % se sont engagés à ne plus investir dans des capacités carbonées non maîtrisées. De même, selon une évaluation internationale, 4 % des entreprises ayant proclamé un objectif de neutralité carbone respectent les critères minimum du réseau Race to Zero de l’ONU.
Enfin, la SBTi demeure une initiative volontaire, sans force contraignante. Sa portée, bien que grandissante, n’est pas universelle : des pans entiers de l’économie mondiale échappent (encore ?) à son influence. En articulation avec les politiques publiques, l’initiative ne peut se substituer à des réglementations plus contraignantes, mais elle prépare le terrain en habituant les acteurs privés à des trajectoires de décarbonation compatibles avec les accords de Paris.