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Décryptages
18.2.25

Biochar, une solution à creuser ?

Jean-Baptiste Dupin

Biochar, une solution à creuser ?

Le terme « biochar » est une abréviation de « bio-charcoal » et pourrait être plus précisément appelé « agrichar ». Ce charbon d’origine végétale est, en effet, traditionnellement utilisé pour améliorer l’aération des sols, limiter les émissions de GES, réduire le lessivage des nutriments et l’acidité, tout en augmentant potentiellement la rétention d’eau. Son application peut accroître la productivité agricole, à condition d’être dosée correctement et adaptée au type de sol. À la fois puits de carbone et fertilisant, le biochar suscite un intérêt croissant, notamment depuis 2018, lorsque le GIEC l’a classé parmi les technologies d’« émissions négatives » essentielles pour capter le CO₂ atmosphérique.

Le biochar est majoritairement produit à partir de biomasse végétale (voir la liste des biomasses permettant un biochar certifiable) par pyrolyse, un procédé de chauffage en absence d’oxygène. Les résidus de bois (résidus provenant de l'entretien des forêts, de l'agriculture ou de l'industrie du bois) ou de cultures sèches sont les plus adaptés car ayant peu d’options de valorisation (incinération, compostage, amendement) permettant de stocker du CO2 sur la durée. Le GIEC estime ainsi que 2.6 MdtCO2/an pourraient être séquestrées via le biochar. Ces productions peuvent s’insérer dans une dynamique d’économie circulaire mais ont du mal à bénéficier d’un effet d’échelle. Des plantations dédiées à la conversion en biochar ont ainsi été créées et permettent d'accroître leurs gains et leur qualité, mais peuvent entrer en compétition avec d’autres usages des biomasses ou des terres.

The Basics of Biochar

Figure 1 : Production de biochar (Source : SpaceBakery 2021)

Les étapes de production de biochar par pyrolyse sont détaillées sur la figure 1. La biomasse est séchée puis chauffée à haute température sans oxygène puis réduite. Les produits de ces étapes sont un solide (le biochar) composé à 80-90% de Carbone, du Gaz de synthèse (dont une partie est consommée sur place pour sécher, chauffer et réduire la biomasse) et une biohuile issue de la pyrolyse. Il existe de multiples manières de réaliser cette transformation par pyrolyse (se référer au rapport QUALICHAR de l’ADEME) affectant son rendement, la consommation d’énergie, les types de co-produits, la qualité du biochar et in fine le bilan carbone global du procédé. 1 tonne de biochar permettrait ainsi de stocker l’équivalent de 1.4 à 3 tonnes de CO2 (soit plus que le charbon de bois, moins riche en carbone) quand il faut environ 3 tonnes de biomasse pour la produire.

Le biochar peut être ajouté aux sols agricoles (à raison de 1-10 t/ha) et améliorer leurs rendements, mais ces gains ne sont significatifs que pour les sols pauvres et acides (soit dans les pays en voie de développements, tropicaux, et particulièrement en Afrique sub-saharienne). En contribuant à améliorer ces sols, le biochar favorise ainsi la captation naturelle du CO2 par les plantes. Le biochar, selon les conditions, se dégradera sur une durée de l’ordre de la centaine d’années. D’autres applications émergent pour réduire les émissions : additif alimentaire (réduction du méthane entérique) et liant à base de biochar (béton bas carbone).

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Figure 2 : Estimation de l'évolution des coûts des solutions technologiques et naturelles pour la séquestration du carbone atmosphérique (source : Carbon removal : how to scale a gigaton industry, McKinsey Sustainability, 2023)

Si le biochar semble une solution intéressante pour piéger durablement le carbone avec une empreinte faible voire positive, elle est peu étudiée en France (en comparaison, la Chine publie 30x plus sur le sujet, les USA 10x plus et le UK 3x plus). Quelques projets et acteurs émergent pour une économie largement tournée vers la grande muraille verte. Le manque d’essais validés à grande échelle et la question de la disponibilité de la biomasse retiennent les investisseurs. Le coût du biochar reste élevé (figure 2) mais pourrait devenir compétitif, boosté par développement du marché des crédits carbone. Il est encore temps pour le développement d’une filière française du biochar.

Crédit photo : Patti, Adobe Stock

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