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18.3.25

500 GW d’énergie verte en Inde d’ici 2030 : une utopie ?

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500 GW d’énergie verte en Inde d’ici 2030 : une utopie ?

L’Inde ambitionne d’atteindre 500 GW de capacité d’énergie renouvelable d’ici 2030, avec une forte dominance du solaire. Bien que le cap des 200 GW ait été franchi en 2024, la progression devra s’accélérer de manière spectaculaire pour atteindre cet objectif. Ce défi soulève des questions majeures sur le financement, le développement des infrastructures et les réformes nécessaires pour soutenir cette transition à grande échelle.

Défis structurels et incertitudes dans le paysage énergétique indien

Le développement des énergies renouvelables en Inde est entravé par des défis structurels majeurs qui compromettent toute transformation rapide du secteur : 

  • difficultés d'acquisition foncière ;
  • saturation du réseau électrique ;
  • incertitudes réglementaires complexifiant l’obtention des permis ;
  • accès limité aux financements, taux d’intérêt élevés ;
  • perception accrue du risque par les investisseurs.

Pour tenter de pallier ces problèmes, le gouvernement indien a multiplié les appels d’offres, avec 73 GW de projets d’énergie renouvelable annoncés pour 2024. Toutefois, ces initiatives peinent à aboutir : 8,5 GW de projets ont été sous-souscrits en raison de structures contractuelles rigides et de retards dans la transmission interétatique, ralentissant encore leur mise en œuvre.

En parallèle, la controverse entourant le groupe Adani, un acteur clé du secteur, a aggravé l’incertitude du marché. Accusé de fraude financière et de manipulation boursière par le rapport Hindenburg Research, le conglomérat a vu la confiance des investisseurs étrangers s’effriter, entraînant une baisse des flux de capitaux et un climat d’instabilité supplémentaire.

Au-delà des scandales, l’exécution des projets reste problématique : plus de 40 GW d’accords de vente d’électricité n’ont toujours pas été signés, et 38,3 GW de projets ont été annulés entre 2020 et 2024 en raison de lacunes dans la conception des appels d’offres, de contraintes géographiques, de défis techniques et de retards. Malgré quelques initiatives ambitieuses, comme l’investissement de 5,63 Md$ de Tata Power Renewable Energy Ltd pour développer 7 GW de projets d’énergie verte dans l’Andhra Pradesh, ces efforts restent insuffisants face aux défis structurels du secteur.

Nécessité d’une ingénierie financière innovante

Dans ce contexte, atteindre l’objectif de 500 GW de capacité installée en énergies renouvelables s’avère de plus en plus ardu. La mobilisation des investissements reste un enjeu central, avec un besoin estimé à plus de 300 Md$ d’ici 2032 dans le cadre du programme de financement India’s 2032. Pourtant, en 2024, l’Inde n’a investi que 13 Md$. Pour atteindre l’objectif, les investissements devraient croître de 20 % par an.

Augmenter les investissements, notamment en provenance de capitaux étrangers, est donc essentiel, mais des politiques protectionnistes et des taux d'intérêt élevés posent des difficultés. l’Inde doit donc adopter une approche financière innovante : 

  • À l’échelle mondiale, les investisseurs privilégient de plus en plus les obligations vertes et les mécanismes de partage des risques, des solutions déjà explorées par des institutions telles que la Banque mondiale.
  • L'Inde pourrait notamment s'inspirer de modèles valorisés en Europe et aux États-Unis, où des incitations financières et des contrats pour différence (CfD) ont stabilisé le marché des énergies renouvelables.

Conclusion

L’objectif de 500 GW d’énergies renouvelables d’ici 2030 reste, à ce jour, hautement incertain. L’accumulation des retards, les obstacles réglementaires et financiers, ainsi que l’instabilité du marché fragilisent cette ambition et risquent d’entamer durablement la confiance des investisseurs. Pour espérer inverser cette tendance, une approche globale est nécessaire, alliant des réformes structurelles, des solutions de financement innovantes et un cadre réglementaire stable.

Si l’Inde parvient à surmonter ces défis, elle ne se contentera pas d’atteindre ses objectifs, mais pourrait se positionner comme un leader de la transition énergétique mondiale. À l’inverse, un statu quo prolongé menacerait non seulement ses engagements climatiques, mais aussi son attractivité pour les investisseurs, mettant en péril son rôle dans la révolution énergétique du XXIe siècle.

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