August 12, 2022
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Lithium-ion: état de l'art et innovations à venir

Le lithium-ion est aujourd'hui la technologie incontournable pour les batteries. Déjà présentes depuis des années dans les appareils portables, ces batteries sont au coeur de la décarbonation de la mobilité, et largement envisagées pour la stabilité des réseaux électriques à l'avenir. La technologie lithium-ion a beaucoup évolué depuis trois décennies. Quelles sont ses performances actuelles et quelles sont les évolutions possibles ?

Lithium-ion: état de l'art et innovations à venir

Bien qu’imaginée dès les années 1970, l’utilisation du lithium dans les batteries n’a débuté commercialement qu’en 1991. C’est alors le fort développement des appareils portables qui nécessitait de développer des batteries rechargeables plus petites et les plus légères que les batteries Nickel-Cadmiun ou Nickel-Métal-Hydrures.

Le principe d’une batterie est de créer une réaction d’oxydoréduction entre deux électrodes métalliques: les ions positifs circulent de l’anode (négative) vers la cathode (positive) dans un matériau conducteur d’ions nommé électrolyte. Pour équilibrer cette réaction, un courant électrique doit circuler entre les électrodes par un circuit distinct (l'électrolyte fait barrière au courant). C’est ce courant électrique qui est in fine la production utile de la batterie. La capacité de stockage d’énergie par unité de masse ou de volume est nommée densité énergétique, en Wh/kg ou Wh/L. C’est une caractéristique essentielle des batteries. On différencie densité densité massique et densité volumique suivant que la contrainte porte davantage sur le poids ou sur le volume de la batterie suivant les applications. 

Contrairement à un accumulateur (une pile), une batterie est rechargeable. La réaction doit pouvoir s’inverser, et recommencer un grand nombre de fois. Une phase de charge et décharge est nommée un cycle. Les cinq caractéristiques d’évaluation d’une batterie que toute technologie cherche à maximiser sont: densité d’énergie, densité de puissance, sécurité, coût et durée de vie (ou nombre de cycle).

                 Schéma de principe d’une batterie: la tension entres les bornes, nommée force électro-motrice (f.e.m), provient de la différence de potentiel entre la cathode et l’anode 

Sur ce plan le lithium présente des avantages théoriquement indépassables (dans le cadre d’une technologie “classique” de batterie; certains nouveaux designs de rupture dépassent théoriquement les performances du lithium): parmis les métaux, le lithium possède la plus faible densité atomique et le plus grand potentiel électrochimique, ce qui lui permet, en théorie, de contenir la plus grande quantité d’énergie par unité de masse. Sa petite taille assure une très bonne diffusivité au sein des électrodes et de l’électrolyte, une caractéristique cruciale pour la performance des batteries.

Les Lithium Ion Batteries (LIB)  marquent une rupture avec les précédentes technologies. Les premières LIB commercialisées par Sony en 1991 affichaient des densités de 80 Wh/kg et 200 Wh/L, environ 50% de plus que les batteries Nickel-Cadmiun ou Nickel-Metal-Hydrures. Aujourd’hui cette technologie présente des performances supérieures aux autres en termes de densité d’énergie, de nombre de cycles et de rendement par cycle de charge/décharge.

Elle s'est largement imposée sur toutes les autres et représente 90% du marché mondial.

D’autres technologies restent dominantes pour certaines applications, nécessitant des caractéristiques spécifiques, comme pour les batteries de voiture thermiques où les batteries plomb-acide sont utilisées pour leur capacité à produire un important courant d’appel lors du démarrage.

Quelles tendances pour la densité énergétique ?

Depuis lors, les performances des LIBs en termes de densité n’ont cessé de s’améliorer. 

De 80 Wh/kg en 1991, les LIBs dépassent les 200 Wh/kg vers 2010, et atteignent aujourd’hui 270 à 280 Wh/kg. Au niveau volumique les performances évoluent de 200 Wh/L à 400 Wh/L entre 1990 et 2000, puis 650 Wh/L en 2010. Les gains en terme de densité sont réguliers.

                   Figure 1 : évolution moyenne de la densité volumique d’énergie des batteries lithium-ion depuis leur commercialisation. Source: IEA, Placke et  al., Ziegler et al.

                   Figure 2 : évolution moyenne de la densité massique d’énergie des batteries lithium-ion depuis leur commercialisation. Source: IEA, Placke et  al., Ziegler et al.

La limite théorique de densité d’énergie avec les chimies et le design actuel (notamment au niveau de la quantité d’électrolyte) se situe autour de 500 Wh/kg, soit quasiment le double des performances actuelles. Et les recherches actuelles tendent notamment  à proposer de nouveaux matériaux, repoussant d’autant les limites théoriques à la quantité d’énergie stockée. A court terme les innovations portent sur deux aspects:

Premièrement au niveau des matériaux constituant les électrodes, par l’augmentation de la capacité de stockage électrochimique, c'est-à-dire la quantité d’ions lithium emmagasinés. L’anode d’une LIB est en graphite. C’est un matériau stable et peu coûteux, bien que son approvisionnement puisse également être source de tension à court terme. Le silicium peut en théorie contenir dix fois plus d’ions lithium que le graphite, mais présente un gonflement de 3 à 4 fois son volume initial lors du processus de captage du lithium (lithiation). Cette expansion provoque rapidement une dégradation du matériau qui le rend inutilisable après seulement quelques cycles. Les recherches tendent aujourd’hui à concevoir des anodes en graphite dopées au silicium pour s’affranchir de cette contrainte.

Au niveau de la cathode, il n'existe pas de matériau unique. Plusieurs technologies coexistent et forment des sous-familles de LIB: les matériaux Nickel-Manganèse-Cobalt (NMC), Nickel-Cobalt-Aluminium (NCA), Lithium-Cobalt (LCO), Lithium-Manganèse (LMO) et Phosphate de fer (LFP). Les ANC et NMC sont les plus performantes au niveau de la densité énergétique. Le Phosphate de fer est une structure chimiquement plus stable que les oxydes métalliques type NMC et NCA, ce qui décroit sa capacité de stockage d’ions lithium, mais augmente sa durée de vie. En moyenne la densité énergétique des LFP est aujourd’hui 40% plus faible, mais la durée de vie peut être 50-100% plus élevée (dépendant fortement des conditions d’utilisation). Les optimisations consistent à faire varier les quantités de chaque métaux pour obtenir la meilleure performance à moindre coût. Les LFP ont l’avantage important de n’être constituées d’aucun matériau cher ou géographiquement concentré, contrairement au cobalt et au nickel, et donc d’être sensiblement moins chers.

Deuxièmement, au niveau de la conception de la cellule elle-même, où la mise en forme des composants chimiques de chaque électrode et de l’ajustement avec l'électrolyte peut encore être optimisée. Le développement porte notamment sur la réduction de la quantité de matière “non active” de la cellule, c'est-à-dire ne stockant pas d’énergie en elle-même. Il s’agit de l'électrolyte, des connecteurs positifs et négatifs, et d’autres éléments de structure, ainsi que des impuretés dans les électrodes. Le ratio de matériau actif était de 47% dans les premières LIBs, et de 61% en 2017. Ce ratio peut encore être amélioré, notamment en réduisant la taille de l'électrolyte.

Au global, ces différentes voies d’améliorations devraient permettre à la technologie Lithium-Ion de dépasser les 300 Wh/Kg, et possiblement d’atteindre 400 Wh/kg. Au niveau volumique la limite devrait se situer autour des 900 Wh/L. Au-delà de la densité, le développement des LIBs s'est fait de concert avec une baisse drastique de ses coûts. De 8000 $/kWh en 1991 à 200 $/kWh en 2020, soit une diminution de 98% en 30 ans. Sur cette période, le marché annuel a crû de de moins d’un mégawattheure à une centaine de gigawattheures.

                                    Figure 3 : évolution du prix par unité d’énergie et du nombre de cellules lithium-ion commercialisées au niveau mondial. Source:  Ziegler et al.

Des investissements croissants pour les innovations

Les investissements dans la technologie LIB sont toujours massifs et en croissance . Au niveau des start-up positionnées spécifiquement sur ce produit, c’est environ 18 milliards de dollars (USD) qui ont été levés depuis 2015, dont les deux-tiers entre 2021 et le début de 2022. On dénombre environ 35 start-up ayant obtenu au moins 5 millions de dollars de financement, mais seulement 5 sociétés représentent 85% des investissements, principalement en série A, B ou C. Celles-ci sont notamment :

  • Northvolt (Suede - 7 milliards $ - créé en 2016) produit des batteries pour VE avec une empreinte carbone minimale. Leur objectifs est d’atteindre en 2030 une production de 150 GWh annuel, avec un bilan carbone de 10 kgC02eq/kWh.
  • Svolt (Chine - 3.2 milliards $ - créé en 2018) développe des batteries sans cobalt basées sur des cathodes Nickel-Manganèse, dont les performances, autour de 250 Wh/kg, égaleraient leur équivalent contenant du cobalt.
  • Britishvolt (Royaume Uni - 2.5 milliards - créé en 2019)
  • Farasis Energy (Chine - 1.3 milliards $ - créé en 2002)
  • Sila nanotechnologies (USA - 900 millions $ - créé en 2011) se concentre sur une technologie d’anode en silicium. Ils annoncent une densité volumique dépassant les 1400 Wh/L, soit 40% de mieux que les performances actuelles.

Figure 4 : Financement annuel des start-up dans le domaine des batteries lithium-ion depuis 2015. Source: Tensoriel

Il faut noter également qu’au sein du secteur lithium-ion, toutes ces start-ups se positionnent sur le marché du VE ainsi que du recyclage, deux points qui semblent bien être clés dans le développement des LIB dans les prochaines années. Le volume de batterie en fin de vie est actuellement de 50 GWh par an, et devrait atteindre 320 GWh en 2030, soit une croissance annuelle de 20%. Le recyclage est une réponse au moins partielle aux difficultés de disponibilité des matériaux et d'écotoxicité des batteries usagées.

Il faut noter également que les start-up et moyennes entreprises ne sont qu’une part des acteurs de l’innovation. Sur la période 2014-2018, les trois-quarts des brevets déposés en Europe sur la technologie lithium-ion provenaient de grandes entreprises. En moyenne, il semble que ces entreprises concentrent leurs efforts sur l’optimisation de la chaîne de production, le design des cellules et la régulation thermique, tandis que les start-up innovent particulièrement dans les matériaux composant les électrodes.

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