July 1, 2022
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Datacenters et énergie dans le contexte de la transition

Souvent pointés du doigts pour leur consommation électrique, les datacenters font l'objet d'une forte optimisation ayant permis de découpler utilisation et consommation. Comment cette tendance évoluera à l'avenir?

Datacenters et énergie dans le contexte de la transition

En Irlande la consommation électrique des centres de données représentait en 2020 11% de la consommation nationale, le double de 2015, et pourrait dépasser d’ici quelques années celle du secteur industriel (hors centre de données). Le secteur du numérique est en forte croissance avec une hausse du nombre d’équipements de 10% par an et de 30% pour le trafic Internet depuis 2018. Cette forte croissance, portée notamment par le développement de nouveaux usages (télétravail, streaming, Internet des Objets, etc.), dont certains seront des catalyseurs de la transition énergétique, suscite des inquiétudes quant à l’impact énergétique du numérique (et donc carbone) dans le futur dans un contexte où la demande en électricité va fortement augmenter pour le domaine des transports et de l’industrie par exemple, pour décarboner les usages. Quels leviers d’action pour maitriser la demande ?

Comment un Datacenter utilise-t-il l’énergie ?

Au sein d’un datacenter (DC) la dépense énergétique provient à 95% de l’alimentation des serveurs informatiques et du refroidissement, le reste étant utilisé par des services auxiliaires. L’alimentation fourni l’électricité réalisant les calculs, convertie in fine en chaleur par effet joule, qu’il faut évacuer pour empêcher la détérioration des composants. Cette fonction est assurée par des groupes frigorifiques de grande puissance.

La performance énergétique d’un DC est mesurée par son Power Usage Effectiveness (PUE), calculé comme la consommation d’énergie totale divisée par la consommation informatique uniquement. Les meilleurs DC atteignent aujourd’hui des PUE de 1.1, résultant d’une excellente gestion du refroidissement via une régulation fine des groupes frigorifiques et des températures (plus l’air produit est froid, plus le système consomme), ainsi que par l’optimisation de la circulation d’air dans les salles de serveur.  Ces valeurs sont en pratique assez proche de la limite physiquement atteignable.

 Cloud et Hyperscale

Figure 1: Variation relative de la demande et de l'efficacité des datacenters entre 2010 et 2018

Les DC les plus performants sont ceux dit « Hyperscale », c’est-à-dire de très grande taille, contenant au moins 5000 serveurs et consommant plusieurs centaines de mégawatts de puissance électrique. Ces DC sont principalement détenus par les géants du Web et leur croissance est très rapide : de moins de 5% des installations dans le monde en 2010, ils en représentent maintenant environ le tiers, et leur croissance continue tandis que les DC traditionnels, dit « d’entreprise », c’est-à-dire dédiés aux besoins d’une seule société sont progressivement arrêtés. Cette tendance est celle du CloudComputing, opérée depuis 10 ans. En Europe, 60% des grandes entreprises utilisent maintenant des services cloud, représentant jusqu’à 90% des capacité de calculs des DC en Europe de l’Ouest, pour seulement le tiers de la consommation.

Les DC hyperscale atteignent un très bon niveau d’efficacité grâce à un effet d’échelle avantageux au niveau des flux d’air et du refroidissement, et du fait de leur gestion des calculs : ceux-ci sont largement distribués en temps réel à travers un ensemble de machines, de façon à optimiser le taux d’utilisation des serveurs. De plus, si pendant longtemps les processeurs étaient conçus pour un usage très large, certaines puces sont aujourd’hui produites pour un type spécifique de calcul, comme les réseaux de neurones, ou le traitement d’images, permettant un gain de consommation d'environ un ordre de grandeur pour un usage donné. En 10 ans l’intensité énergétique par unité de calcul a été divisée par 4, et par 10 pour le stockage de données.

Deux pour cent de la consommation mondiale

Au global, on estime que les DC consomment aujourd’hui entre de 205 TWh et 400 TWh, soit 1% à 2% de la consommation électrique mondiale. S’il est certain que d’importants progrès ont été faits, il faut noter que la consommation globale des DC croit continuellement de 2 à 5 % par an tandis que l’utilisation des DC croit d’environ 25% annuellement. Cette croissance provient en particulier de l’Asie, même si on note le développement de DC dans toutes les régions du monde.

A cette valeur doit être ajoutée l’énergie utilisée pour la production des DC, c’est-à-dire les bâtiments et les équipements informatique. Cette part est estimée à environ 12% de l’empreinte énergétique totale des DC.

Au delà de la quantité d’électricité, sa provenance importe beaucoup dans les scenarios de transition. Sur ce point, les DC (principalement hyperscale) sont parmi les plus important détenteurs de Power Purchase Agreements (PPA), contrats d’approvisionnement en électricité renouvelable signés directement avec les producteurs. Les trois plus gros signataires de PPA sont des géants du web, et beaucoup couvrent l’intégralité de leur consommation par ce moyen.

Quels leviers d'action pour la suite ?

Figure 2: Evolution relative de la demande et de la consommation des Datacenters depuis 2010. Index de référence 2010= 1 (sources: IEA, Hintermann, Masanet et al)

Grâce aux gains d’efficacité passés l’empreinte énergétique des DC est aujourd’hui décorrélée de leur usage. La continuation de ces gains sera-t-elle suffisante pour compenser la future hausse de la demande ? Certains auteurs considèrent qu’un doublement (relativement à 2018) est absorbable à consommation presque constante. Pour d’autres, ils ne compenseront pas la forte hausse due notamment aux nouveaux usages comme l’intelligence artificielle ou la blockchain.

Une première mesure d’efficacité serait d’amener l’ensemble des DC à des PUE proches de 1.2, la moyenne étant aujourd’hui d’environ 1.6, soit un gain de consommation potentiel d’approximativement 25%, en répliquant les mêmes méthodes d’optimisation frigorifique et de gestion des calculs. Par la suite les efforts peuvent se concentrer sur la spécialisation des processeurs. De nouvelles technologies sont également prometteuses, comme la réutilisation de la chaleur des DC dans des circuits de chauffage urbain, ou le refroidissement par eau de mer là où la localité le permet.

Sans être alarmante, et malgré les efforts passés décrits ici, la consommation des DC n’est pas négligeable. Les prévisions de croissance des usages impliquent une consommation de 1000 TWh d’ici 2030, soit une croissance de 10% à 17% par an. L’IEA, dans son scénario Net-Zero by 2050 prévoit une hausse de la production d’électricité de 6% par an. Les gains d’efficacité doivent donc être poursuivis à un rythme au moins équivalent à ceux de la dernière décennie. Des marges importantes sont encore activables sur ce plan. Au delà, de nouvelles approches ou des ruptures technologiques pourraient être nécessaires pour éviter une trop forte hausse de la consommation.

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